Contextes pour l’enseignement-apprentissage des langues : le domaine la tâche et les technologies. - Publications des membres d'ARDAA (Association pour la Recherche en Didactique de l'Anglais et en Acquisition)
Hdr Année : 2014

Contextes pour l’enseignement-apprentissage des langues : le domaine la tâche et les technologies.

Shona Whyte

Résumé

Si le rôle des technologies dans l’enseignement-apprentissage des langues attire autant l’intérêt de chercheurs, formateurs et enseignants aujourd’hui, c’est en raison de la possibilité d’une transformation pédagogique par les technologies qui amélioreraient les conditions d’acquisition d’une langue seconde. L’arrivée des technologies modifie le contexte d’acquisition-apprentissage mais son effet est médié par d’autres facteurs. Mon travail récent porte sur l’intégration de l’outil numérique en classe de langue et comporte trois axes de recherche différents, visant tous cependant une finalité commune : décrire et expliquer la place des technologies dans le contexte de la classe de langue. Pour ce faire, un cadre théorique et une méthodologie de recherche bien spécifiques sont nécessaires. Un premier apport théorique est fourni par l’hypothèse des “domaines de discours” (Selinker & Douglas, 1985), qui postule que les connaissances spécifiques des apprenants ainsi que leur engagement dans une discipline donnée influent sur l'utilisation et l'évolution de la langue seconde. Cette hypothèse s’inscrit dans une approche à la recherche sur l’acquisition des langues étrangères ou secondes qui s’appuie sur la variation labovienne (par opposition à l’idéalisation chomskyenne ; voir Véronique, 2005). Selon cette approche, le processus d’acquisition d’une langue seconde n’est pas systématique pour tout apprenant, mais au contraire varie selon des facteurs contextuels tels que l’interlocuteur, le mode de production langagière ou, dans le cas de l’hypothèse des domaines de discours, le sujet abordé. Mes travaux initiaux tendaient à infirmer cette hypothèse, montrant par exemple que le sujet des échanges entre deux interlocuteurs n’avait qu’un faible effet sur la fluidité et le niveau de correction des productions des non-natifs (Whyte, 1995). Mon activité récente prend cependant en compte de nouvelles recherches dans le prolongement de mes travaux de thèse (Douglas, 2004) et permet d’associer les principes de l’apprentissage par la tâche (Doughty & Long, 2003) à l’hypothèse des domaines de discours. Ce premier axe de recherche offre ainsi un cadre conceptuel qui fournit un modèle pour une didactique de l’anglais de spécialité avec des retombées à la fois pédagogiques et théoriques. L’apprentissage par la tâche fait également l’objet de travaux sur la méthodologie de l’enseignement des langues, notamment par rapport à l’intégration des technologies d’apprentissage. L’évolution de pratiques enseignantes vis-à-vis des technologies constitue le thème central du projet européen iTILT (interactive Technologies In Language Teaching). Ce projet à visée pédagogique et scientifique sur le tableau blanc ou tableau numérique interactif (TBI, TNI) en classe de langue a été l’occasion de développer un programme de recherche autour des interactions en L2 médiatisées par les technologies (article no. 2). Nos recherches collaboratives avec nos partenaires européens en Allemagne, en Belgique, aux Pays Bas et au Pays de Galle ont donné lieu à des articles sur la méthodologie de recherche en enseignement-apprentissage des langues avec les TICE et sur la constitution de ressources éducatives libres (Koenraad et al., 2013 ; Whyte et al., 2011, 2012, 2013, 2014). Afin d’aboutir à une analyse plus fine de l’impact de cette technologie dans l’enseignement-apprentissage, nous devions cependant aller au-delà des objectifs pédagogiques du projet pour nous pencher sur les interactions filmées autour du TBI dans le cadre d’une approche d’enseignement-apprentissage par la tâche. Nos travaux montrent (Whyte, 2011 ; Cutrim Schmid & Whyte, 2012) que le potentiel interactif de cette technologie est toujours médié par l’enseignant, qui l’utilise selon ses propres convictions et sa propre compréhension de facteurs contextuels. Ce travail a nécessité le recours à un appareil théorique qui nous éloigne du domaine des recherches en acquisition des langues pour des inclure des notions qui relèvent plutôt de la psychologie et de l’anthropologie sociale, comme le sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 1977) et l’apprentissage situé ou contextualisé (Lave & Wenger, 1991), ou encore de la didactique des langues, comme la pensée enseignante (Borg, 2006). L’étude approfondie de l’exploitation du TBI pour l’enseignement de l’anglais par les neuf enseignants français du projet iTILT a permis de développer un cadre théorique pour rendre compte des évolutions différentes des enseignants dans l’intégration de cet outil qui est explicité dans une monographie sur l’innovation liée aux technologies (Whyte, sous presse). Nous montrons que l’appropriation du TBI par l’enseignant de langue commence par l’acquisition de compétences techniques menant à un sentiment d’auto-efficacité élevé, qui peut ensuite conduire à une réflexion et des modifications d’ordre pédagogique dans certains cas. Nous notons pourtant une utilisation du TBI par les enseignants du projet qui reste relativement restreinte (prédominance d’un seul apprenant au TBI devant le groupe classe, palette restreinte de fonctionnalités, objectifs pédagogiques modestes). Le troisième axe de recherche constitue une suite logique de ce travail, puisqu’il s’agit de mettre en place des tâches communicatives plus propices à l’interaction et à l’acquisition afin de mieux exploiter le potentiel du TBI pour étayer la communication spontanée en L2 sous forme de visioconférence en anglais lingua franca entre les jeunes élèves d’une classe tandem franco-allemand. Le dispositif prévoit une connexion audio et vidéo associée à un partage d’écran qui permet aux interlocuteurs de se parler et de déplacer des éléments sur une page d’un fichier du logiciel du TBI en temps réel. Malgré des difficultés d’ordre techno-pédagogique (Guichon & Hauck, 2011), notre analyse des interactions relève des exemples de “learner-to-learner interaction supported only by task materials”, à la différence de recherches précédentes qui n’ont identifié que peu de communication spontanée dans ce type de contexte (Whyte, 2011 ; Cutrim Schmid & Whyte, 2012). La poursuite de cet axe de recherche consistera en l’inclusion de davantage de classes et d’apprenants plus avancés (élèves au collège-lycée), et l’implication d’étudiants de master aux côtés des enseignants de classe dans une recherche-action collaborative. Le corpus d’exemples d’interactions ainsi obtenu fera l’object d’analyses quantitatives (production orale) et qualitatives (auto-confrontation avec apprenants et enseignants, analyse de discours) dans la prolongation de la méthodologie de recherche développée jusqu’ici.
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Dates et versions

tel-01140245 , version 1 (13-04-2015)

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Citer

Shona Whyte. Contextes pour l’enseignement-apprentissage des langues : le domaine la tâche et les technologies. . Linguistique. Université du Havre, 2014. ⟨tel-01140245⟩
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