Dir : M. Fruyt, J.P. Brachet, L. Sznajder
L’expression de la volonté en latin
Ce numéro 22 de la Revue de Linguistique latine du Centre Alfred Ernout (De Lingua Latina) représente les actes du colloque « L’expression de la volonté » qui s’est tenu à distance par Zoom en juin 2021 (communication d’Anna Orlandini & Paolo Poccetti), décembre 2021 (communications de Benjamín García-Hernández et Luis Unceta-Gómez) ainsi qu’en janvier 2022 (communications de Bernard Bortolussi et Chantal Kircher).
Il s’agissait de préserver ce qui pouvait l’être de la vingtaine de communications qui avaient été prévues pour le colloque biennal du Centre Ernout en juin 2020. Il n’avait pas pu être organisé à Paris à Sorbonne-Université en raison de la situation sanitaire internationale et de la pandémie du Covid-19.
Nous remercions donc vivement les 6 intervenants pour avoir accepté de présenter leur communication à distance et à retardement, et pour nous avoir ensuite confié leur texte pour publication dans la revue.
PRÉSENTATION
Comme le veut la tradition du Centre Alfred Ernout - dans la lignée de son savant éponyme -, le thème du colloque « L’expression de la volonté en latin » fut traité dans 3 communications dans une perspective lexicale autour du verbe « vouloir » (uolo, uelle) et des termes tournant autour de lui comportant le même radical latin uol- : uoluntas « volonté », maleuolentia « mauvaise volonté, malveillance » (B. García-Hernández, C. Kircher, J.-F. Thomas). A cela s’ajoute l’étude d’un second radical latin uī- de même sens en distribution complémentaire avec le premier dans uīs « tu veux », inuītus « contre son gré ». La notion de volonté étant liée à celle de puissance et de pouvoir, sont également étudiés les termes uīs « force » et les lexèmes dont uīs est un constituant (uindicit, uindex) (B. García-Hernández). Au sein de cette perspective lexicale, les phénomènes sémantiques de polysémie, synonymie, homonymie tiennent une grande place notamment pour uoluntas (B. García-Hernández, C. Kircher, J.-F. Thomas) ainsi que les phénomènes sémantiques reliés à la formation des mots pour les « abstraits de qualité » comme uoluntas, maleuolentia (C. Kircher).
Une 4e communication traite aussi du radical latin uī- dénotant la volonté, mais actualisé dans si uis et sis (<si uis) « s’il te plaît », touchant ainsi l’expression de la politesse. B. Bortolussi montre que sis et si uis ont en commun le contexte discursif des énoncés injonctifs, et réfute l’idée, proposée avant lui, selon laquelle sis serait seulement une particule enclitique focalisante tandis que si uis exprimerait véritablement la politesse. Il montre que si uis occupe une position interne après le verbe injonctif, de sorte que sis et si uis occupent tous deux une position seconde. En conclusion, sis n’est pas une particule focalisante en lui-même. Le statut de particule illocutoire suffit pour expliquer le passage de si uis à sis, la grammaticalisation et les positions dans la phrase.
La volonté est aussi exprimée dans les actes de parole directifs, actes illocutoires par lesquels le locuteur cherche à influencer le comportement de l’allocutaire. Dans une 5e communication, L. Unceta-Gómez en recherche les différents sous-types. Il les illustre par une comédie de Plaute et montre que c’est le pouvoir sur le plan sociolinguistique qui explique les actes de parole.
La volonté s’exprime aussi en latin dans les négations par la distinction entre la négation non et la négation nē, qu’on appelle parfois la « négation de la volonté ». Dans une 6e communication, A. Orlandini et P. Poccetti étudient la diachronie et la synchronie de la négation qu’ils écrivent *nē̆ avec les signes de longue et de brève sur la même voyelle <e> (et que nous avons été obligés d’écrire *nē/ĕ parce que notre logiciel ne nous permettait pas d’écrire les 2 signes sur la même voyelle). Les auteurs affirment que la grammaire comparée des langues indo-européennes et l’évolution du latin montrent que cette négation *nē̆ était à l’origine la négation assertive (ou négation standard), mais qu’elle est devenue en latin classique la négation « volitive » (ou non-standard), tandis que, pour la négation assertive, elle était remplacée par nōn issu de *nē̆-oinom. L’article étudie les emplois de nē en proposition indépendante et avance de nouvelles propositions qui infirment les points de vue traditionnels.
BORTOLUSSI Bernard (Université de Paris-Nanterre) : « Si uis vs sis »