Naturalisation des croyances, religion naturelle et histoire naturelle de la religion : le statut du fait religieux dans L’Esprit des lois - Sorbonne Université Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2005

Naturalisation des croyances, religion naturelle et histoire naturelle de la religion : le statut du fait religieux dans L’Esprit des lois

Céline Spector

Résumé

L'analyse des rapports entre religion et politique dans l'oeuvre de Montesquieu a récemment fait l'objet d'une réappréciation majeure : alors que le consensus sur le machiavélisme de Montesquieu semblait établi (moyennant une évolution de la manipulation rusée ou de l'instrumentalisation des croyances à une théorie du bon usage de la religion en vue des fins immanentes de la société civile, le dernier ouvrage de Thomas Pangle entend contrer ce credo : loin de contribuer à la modération et à la douceur des moeurs modernes, le christianisme, selon Montesquieu, ne serait qu'un instrument d'oppression. Elaborant une philosophie anti-chrétienne en son principe, l'auteur de L'Esprit des lois aurait usé des ressorts de son art d'écrire pour assimiler insidieusement la papauté au despotisme et le catholicisme à la servitude. Or en deçà de cette réflexion sur les rapports entre religion et politique, l'analyse des croyances à laquelle procède Montesquieu est étrangement passée sous silence. En quel sens L'Esprit des lois invente-t-il une histoire naturelle des religions, en quel sens renouvelle-t-il la problématique classique de la religion naturelle ? Cette contribution se propose de montrer que l'originalité de Montesquieu réside en premier lieu dans la rationalisation du fait religieux qu'il propose : la religion peut être reconduite à ses raisons, qui sont aussi ses causes. A ce titre, la réflexion sur l'accusation portée par les censeurs (Montesquieu serait « sectateur de la religion naturelle ») doit être réexaminée : L'Esprit des lois propose une histoire naturelle de la religion qui, à l'instar de celles de Mandeville et de Hume, remonte à l’enracinement des croyances dans la nature de l’homme. Ainsi ne saurait-on s’en tenir à une conception de la religion naturelle comme produit d’un « sentiment intérieur » ou de motifs rationnels de croire. La naturalisation des croyances ne se fonde pas sur l’argument du dessein, qui conduit de l’observation de l’ordre du monde ou du « spectacle de la nature » à l’intelligence suprême qui l’a créé. Elle propose d’analyser les croyances en terme de « sentiments », si bien que la religion s’ancre à la fois dans des « motifs réprimants » et dans des « motifs d’attachement », selon les deux modalités de la crainte et de l’amour. Le paradoxe est là : Montesquieu ne se contente pas d’une sociologie des religions qui fait abstraction de la question de la nature de l’homme et des besoins de l’âme, ni d’une politique de la religion qui l’examine du point de vue des « intérêts politiques » – le bien de la société civile plutôt que le salut, l’utilité sociale des dogmes plutôt que leur valeur de vérité. Il propose, en amont, une théorie de la religion fondée sur la nature de l’homme conçue en situation.

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Céline Spector. Naturalisation des croyances, religion naturelle et histoire naturelle de la religion : le statut du fait religieux dans L’Esprit des lois. Montesquieu, l’Etat et la Religion, Oct 2005, Sofia, Bulgarie. pp.40-78. ⟨hal-02475715⟩
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