Variations de la propriété : Montesquieu contre l'individualisme possessif - Sorbonne Université Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2008

Variations de la propriété : Montesquieu contre l'individualisme possessif

Céline Spector

Résumé

Selon C. B. Macpherson, l’« individualisme possessif » se définit par le fait que « l’individu n’est nullement redevable à la société de sa propre personne ou de ses capacités, dont il est au contraire, par essence, le propriétaire exclusif ». La société est considérée comme un ensemble d’individus libres et égaux qui ne sont liés entre eux qu’en tant que propriétaires de leurs capacités et de ce que ces capacités leur ont permis d’obtenir, c’est-àdire à des rapports d’échange entre propriétaires ; la société politique elle-même n’est qu’un artifice destiné à protéger cette propriété et à maintenir l’ordre économique. Après Hobbes, Locke est placé à l’origine de l’individualisme possessif3. Son œuvre marque l’avènement de l’individu moderne, « celui qui ne dépend pas, quant à son existence sociale, des rapports hiérarchiques qui prévalent dans une société à statuts parce qu’il se constitue par ses actes d’appropriation ». Par sa théorie de la propriété issue du travail comme prolongement de la personne, Locke jouerait également un rôle crucial dans l’histoire du libéralisme politique. Cet article se propose de montrer que Montesquieu ne suit pas Locke dans sa conception du développement de la société à partir du droit naturel à la propriété. Certes, L’Esprit des lois fait du travail la source des richesses. La proposition vaut à l’échelle des nations comme des individus : « un homme n’est pas pauvre parce qu’il n’a rien, mais parce qu’il ne travaille pas » (EL, XXIII, 29). Mais Montesquieu esquisse des « variations sur la propriété » qui vont à l’encontre de toute intégration de son œuvre au courant de « l’individualisme possessif ». Son anthropologie sociale, culturelle et politique exclut tant la voie d’une fondation de la propriété sur les besoins universels de l’homme que d’une limitation de la souveraineté par ces mêmes besoins. L’individu n’existe pas comme une substance ; il est l’effet de ses conditions d’existence naturelles, sociales et politiques. Si la conception « libérale » de la personne et de la propriété risque toujours de s’édifier au prix d’un « réductionnisme anthropologique », Montesquieu évite donc cet écueil en proposant une autre voie possible pour la modernité – autre voie dont la postérité résidera à la fois dans l’école historique écossaise (Ferguson, Smith etc.) et dans la philosophie de l’histoire de Marx . Où apparaît un philosophe plus subversif que l’on croit souvent, penseur d’un usage social et politique de la propriété, hors de l’alternative entre individualisme et collectivisme.

Domaines

Philosophie
Fichier principal
Vignette du fichier
19. Variations de la proprie.pdf (185.07 Ko) Télécharger le fichier
Origine : Fichiers produits par l'(les) auteur(s)
Loading...

Dates et versions

hal-02475796 , version 1 (13-02-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02475796 , version 1

Citer

Céline Spector. Variations de la propriété : Montesquieu contre l'individualisme possessif. Blaise Bachofen. Le libéralisme au miroir du droit. L'État, la personne, la propriété, ENS Editions, 2008, 978-2-84788-135-6. ⟨hal-02475796⟩
325 Consultations
607 Téléchargements

Partager

Gmail Facebook X LinkedIn More