« Ou mireoir de sa pensee. La logique spéculaire dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci »
Abstract
Parmi la multitude d’images poétiques qui servent le discours apologético-didactique des Miracles de Nostre Dame (v. 1218-1233) et qui informent ce recueil vernaculaire du bénédictin Gautier de Coinci, celle du miroir se démarque. Elle possède en effet une profondeur sémantique, une force structurante ainsi qu’une valeur épistémologique qui la distinguent des autres et qui distinguent même l’œuvre du prieur de Vic par rapport à d’autres corpus miraculaires mariaux.
De l’examen de ses occurrences dans le texte, on observe d’emblée que le miroir est un objet polymorphe, sa nature et le jugement porté sur lui variant avec les degrés de la figuration ; seules ses caractéristiques fonctionnelles restent fixes, ce qui en suggère l’importance métapoétique : le miroir reflète, dédouble et fait naître des images. Le sens moral donné aux deux premiers phénomènes spéculaires rend compte de la finalité édifiante des récits supposés offrir au public un reflet de son âme.
L’analyse des discours iconologique, mariologique et spirituel contenus dans les Miracles peut pourtant enrichir ces considérations attendues, voire réductrices. Il s’agit moins, en l’espèce, d’y fournir des exemples pour susciter la contrition que d’y élever à la contemplation dévouée de la Mere Dieu, médiation centrale et pivot de toute spécularité dans l’œuvre. L’enjeu de la lecture ne serait donc plus le fait de prendre modèle sur des pécheurs ou sur d’inatteignables prérogatives, mais de faire advenir en soi et pour soi l’image salvatrice de Notre Dame : la véritable configuration à la Vierge passe par le fait de devenir miroir.