Guy Bedouelle et les Réformes du XVIe siècle Si Guy Bedouelle a eu comme historien un champ chronologique particulièrement large, de saint Dominique à Lacordaire, nul ne pourra nier que sa période de prédilection fut le XVIe siècle et qu'il se définissait avant tout comme seiziémiste. Ses principaux ouvrages fournissent la preuve de sa grande familiarité avec ce siècle et avec sa complexité religieuse. Il a privilégié bien sûr l'histoire des idées théologiques, domaine où l'historiographie française a longtemps été marginale et où il a apporté la richesse de son immense érudition, mais ne l'a jamais séparée de l'histoire des sensibilités religieuses, ce qui lui a permis un riche dialogue avec d'autres disciplines, d'autres confessions, et enfin d'autres « chapelles » historiographiques, avec lesquelles il entretenait un dialogue serein et rempli d'humour. L'étendue de cette oeuvre ne peut évidemment pas faire l'objet d'une présentation exhaustive et j'ai choisi de privilégier quelques points qui à mon avis montrent plus particulièrement encore son originalité et sa fécondité. Il s'agit d'un point de vue très subjectif que ne partagent pas peut-être d'autres historiens qui ont travaillé avec Guy Bedouelle. Jeune doctorant, je fis sa connaissance au début des années 1990 et eu par la suite un dialogue permanent et extraordinairement enrichissant avec lui, auquel se joignait mon épouse, médiéviste travaillant sur l'ordre des Prêcheurs. Il a eu la bonté de m'associer à des séminaires qui se tenaient au Saulchoir où nous avons travaillé sur des textes très divers, suivant une méthode d'équipe et un esprit amical et désintéressé qui était si caractéristique du Père Bedouelle. Comme pour tant d'autres, le vide qu'il laisse dans mon esprit et dans mon coeur n'est comblé que par les souvenirs et l'espérance. Cette longue familiarité avec le « coeur religieux du XVIe siècle », pour reprendre le titre de Lucien Febvre, commence avec la thèse que Guy Bedouelle entreprend sur Jacques Lefèvre d'Étaples. La thèse qu'il consacre à la pratique exégétique de l'humaniste, Lefèvre d'Étaples et l'intelligence des Ecritures, est publiée chez Droz en 1976 et Guy Bedouelle reviendra régulièrement à l'occasion d'autres travaux vers cet auteur qui était avant tout un éditeur. On peut même parler sinon d'identification inconsciente, du moins d'affinité intellectuelle et spirituelle profonde entre l'historien et son sujet, par delà les siècles. Au soir de sa vie, dans ce livre si émouvant d'entretiens avec Véronique Dufief, il parle en ces termes de Lefèvre d'Étaples : « A un certain moment, et c'est dans un commentaire d'Aristote, Lefèvre dit : au fond, ma vocation profonde, c'était la vie monastique, dans une contemplation explicite, une vie religieuse et une vie liturgique, mais je n'en avais pas la force physique, ma santé ne me le permettait pas, et j'ai compris que mon activité de professeur, de commentateur de la