Les grâces languissantes du style
Abstract
STIH Récurrente dans le discours critique de l'âge classique, l'association du « froid » et du « languissant » vient qualifier l'écueil d'un style qui ne saurait toucher, et manque ainsi son but. Cette collocation quasi figée en un doublet d'apparente synonymie place l'accent sur l'effet manqué-du côté donc de la réception : souci d'origine rhétorique, mais dont l'acuité se fait peut-être sentir alors encore plus sûrement à une époque où un nouvel espace public s'est ouvert, qui accompagne décisivement le passage des « bonnes-lettres » jusque là réservées aux auteurs et à leurs savants lecteurs, aux « belles-lettres », avant l'entrée en « littérature » 1. Si le qualificatif de « froid » sanctionne avant tout l'échec d'une tentative pour susciter l'émotion-un pathétique raté, en quelque sorte 2-, qu'est-ce qui fait languir le style ? Ou plutôt, de quoi le style se languit-il ? Même ainsi reformulée, la question reste peut-être encore mal posée. Tous les styles ou genera dicendi ne courent pas en effet le même danger. D'autre part, ce « vice de style », appréhendé comme un défaut d'énergie 3 , a partie liée avec un imaginaire de la langue française habité autant que menacé par l'instance féminine. Éminemment moderne, cette nouvelle postulation rencontre ainsi à plus d'un titre quelques-uns des débats majeurs du temps. Le flou métaphorique de l'adjectif français garde de son origine verbale (le participe présent) un lien étroit avec le processus d'une opération elle-même conçue dans la durée : languir, ou se languir, c'est éprouver le sentiment d'une exténuation progressive des forces vitales. Cette appréhension pour ainsi dire organique du style s'ancre dans une longue tradition rhétorique dont les formulations les plus nettes sont à chercher dans le domaine latin.
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