Complexité et portée des modèles : modèles globaux, modèles locaux
Résumé
Même sans être considérablement complexifiés ou détaillés, beaucoup de modèles sont déclarés utiles dans la mesure même où ils restent significatifs pour les parties prenantes locales, les stakeholders, ne serait-ce que dans leur fonction d’espace de dialogue. De tels modèles font donc sens, ne sont significatifs que dans le contexte ou dans la problématique concrète et finalement précise qui leur a donné naissance : les modèles participatifs ou les modélisations d’accompagnement en sont un cas exemplaire. Ces pratiques de modélisation partent de l’hypothèse, féconde dans bien des cas, selon laquelle il faut cesser de croire que la solution du problème que l’on se pose peut être apportée d’en haut et de l’extérieur par des experts non impliqués dans les enjeux du problème en question. Mais les solutions d’accompagnement qu’elles suggèrent sont particulières et ne sont pas généralisables par définition : le contexte et sa particularité y sont parties prenantes. Pourtant, il paraît hautement souhaitable que de tels modèles de terrain soient à leur tour intégrés dans des modèles complexes valant à plus grande échelle. Mais là, nous ne sommes pas seulement face à des difficultés techniques (de formalisation, de robustesse, de validation) : ce sont les fonctions épistémologiques de ces modèles elles-mêmes qui entrent en contradiction. Ainsi s’explique en partie la multiplication de réflexions épistémologiques émanant du cœur même de la communauté scientifique.
Ce chapitre a pour objectif de poser le problème, de montrer que les solutions traditionnelles ont des limites, limites qu’un travail épistémologique plus précis et approfondi pourrait peut-être aider à dissiper. Dans la première section, je présenterai succinctement les fonctions traditionnelles des modèles dans les sciences contemporaines. Dans la deuxième section, je reviendrai sur certaines évolutions récentes des modèles qui se situent à l’interface natures/sociétés et qui semblent difficilement convenir à cette classification pourtant large et ouverte. Dans les trois sections suivantes, je montrerai les limites des approches annonçant la résolution de cette tension, que ce soit en termes de simplicité, de généricité ou de langage des frontières. Pour finir, je suggérerai l’idée qu’une nouvelle épistémologie de la référence, à la fois rigoureuse et différenciée, doit émerger afin de contribuer à l’effort de modélisation des phénomènes mixtes, à l’interface entre nature et société.
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