BEAUMARCHAIS ET LE PERSONNAGE DE THÉATRE
Abstract
Quelques hypothèses sur la ruse marivaudienne Dans le paysage comique du XVIII e siècle, Marivaux se distingue comme inclassable. En rupture avec la tradition moliéresque, comme le rappelle d'Alembert 1 , il abandonne la comédie de caractère et propose une structuration dramaturgique et un rapport à l'action très différents, ainsi qu'un personnel dramatique illustrant d'autres configurations et d'autres questionnements anthropologiques. Son rapport à la comédie italienne n'est pas moins ambivalent que son attitude à l'égard de la tradition française, l'histoire de ses relations avec la troupe du Théâtre-Italien faisant apparaître une influence et une appropriation mutuelles. Il ne faut donc pas chercher, chez cet auteur, de filiation évidente ou de fidélité indiscutable à ces deux types de dramaturgies qui, chacune à leur manière, représentent des modèles d'une comédie de la ruse. D'autant plus que, si l'on considère l'évolution du théâtre au XVIII e siècle, l'épisode Marivaux s'inscrit dans un moment de parenthèse de la comédie de la ruse, entre la comédie « fin-de-siècle » et la comédie de la Régence et Beaumarchais, moment qui voit le recul de la comédie d'intrigue et des personnages de « machinistes », ces agents de machinations retorses, opposants systématiques et artisans d'une complexification des intrigues. La comédie marivaudienne n'est pas une célébration de la ruse ou de l'action comme elle le sera dans les pièces de Figaro ; elle n'est plus non plus, à l'image du Légataire universel de Regnard du Turcaret de Lesage, une mise en scène des moeurs contemporaines où fourbes et rusés s'affrontent, ou, pour reprendre les mots de Lesage, « un ricochet de fourberies le plus plaisant du monde 2 ». La ruse, chez Marivaux, ne saurait être le moteur de la comédie, dans la mesure où l'action ne constitue pas l'élément premier de l'intrigue : d'où la difficulté de qualifier les comédies marivaudiennes comme des comédies d'intrigue, à l'exception de La Fausse suivante ou des Fausses confidences, pièces où les questions sociales apparaissent plus importantes et où le « réalisme », pour employer une notion anachronique, est plus développé. Ce qui pose la question de la typologie des pièces de Marivaux : il sera surtout question ici des pièces de sentiment, des pièces de la surprise et de l'inconstance, de celles qui ressortissent à ce marivaudage devenu un cliché et qui, dès le XVIII e siècle, désigne la spécificité de la dramaturgie de cet auteur. Or de ce corpus du marivaudage, est évacué tout ce qui favoriserait une intrigue placée sous le signe de la ruse (les enjeux politiques, l'antagonisme maîtres-valets ou l'opposition entre les générations). Pour en finir avec ces remarques liminaires, il faut évoquer un autre modèle dramaturgique et idéologique qui éclaire peut-être en partie le rapport particulier que Marivaux entretient avec la ruse : l'émergence, qui lui est contemporaine, d'une remise en question morale et esthétique de la comédie et du comique (en réaction au modèle
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