L’image rhétorique a-t-elle la même force que la réalité ? Lectures croisées de Quintilien (Institutio oratoria VI) et de Shakespeare (Julius Caesar III, 2 : éloge funèbre de César par Marc Antoine)
Abstract
Au début du livre VI de l’Institutio oratoria, Quintilien souligne le rôle déterminant des images dans la production des passions rhétoriques. Pour émouvoir son auditoire, l’orateur doit être capable d’imaginer la scène qu’il évoque (phantasia) puis de produire une représentation rhétorique suffisamment évidente (enargeia) pour que le juge ait l’impression d’assister à la scène et soit ému comme s’il y assistait. Toute la question est de savoir quelle est la force réelle de cette enargeia rhétorique par rapport au spectacle immédiat de la réalité. En explorant cette question, Quintilien évoque le discours que Marc Antoine prononça aux funérailles de Jules César, en en faisant un modèle de discours efficace ; or ce discours, tel qu’il a été réinventé par Shakespeare à l’époque élisabéthaine dans Julius Caesar, mêle précisément images rhétoriques et présentation spectaculaire de la réalité. À partir d’un dialogue entre ces deux textes, cette étude se propose d’examiner la force « pathétique » respective de la représentation rhétorique et de la présentation directe de la réalité – des uerba et des res.