Juan de Vergara (1492-1557) vs Annius de Viterbe (1432-1502). Critique historique et épistémologie de l’histoire en Espagne au XVIe siècle : un enjeu politique
Abstract
Dans la cinquième des Ocho questiones del Templo (1551), le chanoine tolédan Juan de Vergara soulève les contradictions et incohérences que présentent certains des textes qu’Annius de Viterbe publia en 1498, en les attribuant à Bérose et Métasthène. Vergara s’intéresse précisément aux noms et à la succession d’une série de rois perses, sous le règne desquels le Temple de Jérusalem fut édifié, selon ces deux auteurs. Cet examen critique extrêmement minutieux et érudit fournit à Vergara l’occasion de démontrer que ces textes sont apocryphes et qu’Annius en est probablement l’auteur. Le faussaire déguisait son invention sous l’apparence de la rigueur critique, puisqu’il accompagnait ses affabulations de l’énoncé de grands principes de méthode historique. Tout en défendant Hérodote et Thucydide, Vergara rédige la plus minutieuse réfutation des falsifications du Viterbien qui ait été rédigée en langue espagnole. Or, pareille dénonciation présentait un enjeu politique des plus sensibles, puisque le moine italien avait par ailleurs mis son érudition au service de l’imaginaire historique de la monarchie hispanique. Vergara ne s’attaque pas directement à cette partie de la falsification d’Annius, mais invite la communauté savante à poursuivre l’examen critique des Antiquités, selon la méthode qu’il a proposée.