« Contraintes métriques et innovation syntaxique en grec homérique : l’exemple de κάμνω et des composés en -κμητος »
Résumé
The article deals with a case in which the need to inflect a Homeric formula (declension or conjugation) leads to a syntactic suppletivism. Lexical or morphological suppletivism in the declension / conjugation of a formula is well known, but syntactic suppletivism has remained mostly unnoticed. In this case, the verb κἀμνω, generally intransitive, can display a secondary transitive use, meaning "to create": this results from the conjugation of the formula ὸν κάμε τεύχων (regularly intransitive). This secondary transitive use, the birth and extension of which are studied, is not a consequence of the relic value of the aorist, but a device of the epic diction meant to preserve the metrical value of the formula in spite of the change of person. The Iliad is more conservative and the Odyssey has more instances of the new construction, and cases in which it becomes free from the context in which it arose. Compounds in -κμητος were secondarily related to this transitive value. The verb κάμνω is the ancestor of Modern Greek κάνω "to do" (transitive): the evolution in Byzantine Greek has nothing to do with the Homeric development and the first instances in Byzantine Greek show this developed in a wholly different context, with the verb in the present stem (not the aorist as in Homer) and used with an internal object (which is never the case in Homer).
L'article étudie un cas dans lequel la nécessité de conjuguer une formule homérique conduit à un supplétisme syntaxique. Les cas de supplétisme lexical ou morphologique dans la déclinaison / conjugaison des formules sont bien connus, mais le supplétisme syntaxique, moins évident, n'a pas été mis en évidence. En l'occurrence, le verbe κάμνω est employé en général intransitivement mais peut avoir un emploi transitif au sens de "faire, fabriquer", qui résulte de la nécessité de conjuguer la formule ὸν κάμε τεύχων où l'emploi est régulièrement intransitif. Cet emploi transitif secondaire, dont l'article retrace la genèse et l'extension, n'est pas une conséquence de la valeur télique de l'aoriste mais bien un artifice de la diction épique pour conserver la valeur métrique de la formule malgré le changement de personne. Les emplois de l'Odyssée montrent un état de langue plus récent que ceux de l'Iliade. Les composés en -κμητος ont été secondairement rattachés à cette valeur transitive. Le verbe κάμνω est devenu κάνω "faire" en grec moderne (transitif) par une autre voie et cette évolution n'a rien à voir avec les faits observés chez Homère : les premières attestations de κάμνω au sens de "faire" en grec byzantin sont étudiées et il ressort qu'elles apparaissent dans un contexte très différent, où le verbe est employé avec un complément d'objet interne (alors que ce n'est jamais le cas pour les emplois homériques), et toujours au présent ou à l'imparfait (alors que chez Homère c'est l'aoriste qui présente ce sens).