De la mise au silence à la prise de parole : la voix féminine de Martin Crimp à Sarah Kane
Résumé
Dramatic experiments with the voice in the theatres of Martin Crimp (Attempts on Her Life, 1997; Fewer Emergencies, 2005) and Sarah Kane (Crave, 1998; 4.48 Psychosis, 2000) fall within the scope of a post-Beckettian quest for new formal constraints for the text and the stage. While the dramatic space, for both Crimp and Kane, is no longer a physical space but has become, to use Crimp’s words, “a mental space”, it appears that the scenic space has transformed into a sheer vocal space. This article looks at the importance of the voice in Crimp’s and Kane’s texts, focusing on the intervocal and transdramatic space created between their plays around the voice of a woman both central and spectral. No longer a conventional character, the female subject, whose voice is either heard as a broken embodied token of a disturbed mind, or is silenced and replaced by the alienating narratives of others, is but a mere shadow, vestige or vocal image of herself. Polyonymous in Attempts on Her Life, anonymous in 4.48 Psychosis, “Anne”, as I will argue, is eclipsed in a post-traumatic silence in Crimp’s play, then restored on the front of a sacrificial stage in Kane’s, regaining her own power of speech in a poetic language made of echoes. Her voice, fully expanding in the space although pierced with blanks and holes, is the ultimate dramatic event. In these two plays as well as in Kane’s Crave and Crimp’s Fewer Emergencies, the voice thus appears at the core of what could be called a “psychopoetics” of the stage.
Le travail sur la voix dans le théâtre de Martin Crimp (Attempts on Her Life, 1997 ; Fewer Emergencies, 2005) et celui de Sarah Kane (Crave, 1998 ; 4.48 Psychosis, 2000) s'inscrit dans le cadre d'une écriture expérimentale, post-beckettienne, à la recherche de nouvelles contraintes formelles pour le texte et la scène. Si l'espace dramatique, dans un mouvement convergent chez Crimp et Kane, est de moins en moins un espace physique mais devient, selon l'expression de Crimp, « un espace mental », l'espace scénique se transforme parallèlement en un espace essentiellement vocal où le sujet se donne à entendre, ou se donne à dire, comme une ombre ou un vestige de lui-même. Le présent article propose de considérer ensemble l'importance de la voix dans les textes des deux auteurs en s'intéressant à l'espace intervocal, transdramatique, qui s'est tissé entre les pièces de Crimp et celles de Kane autour d'une voix de femme à la fois centrale et spectrale. Polyonyme dans Attempts on Her Life, anonyme dans 4.48 Psychosis, « Anne » est d'abord éclipsée dans un silence post-traumatique chez Crimp avant d'être restituée sur le devant de la scène sacrificielle chez Kane dans une prise de parole absolue ; sa voix, à la fois pleine, riche et percée de silences, devient le théâtre même du drame : elle se donne comme performance et événement dramatique ultime. Dans ces pièces ainsi que dans Crave de Kane et Fewer Emergencies de Crimp, la voix fonde ainsi ce que l'on pourrait appeler une « psychopoétique » de la scène.
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