« Tant pis, allons-y courons » ou la grande « machine » narrative d'Échenoz, p.115-125.
Résumé
Dominique Viard notait en 1998, à propos des récits contemporains, qu'« il ne s'agi[ssai]t plus » aujourd'hui, « de bloquer la mécanique romanesque mais de la faire fonctionner en montrant les coulisses ou en la transformant en jeu d'ombres chinoises. » 1 Une telle évolution est bien illustrée par la prose échenozienne, qui, du Méridien de Greenwich (1979) à 14 (2012) semble s'être peu à peu autorisée à nourrir cette machine d'objets référentiels, d'événements intramondains 2 , tous aptes, cependant, à la métaphorisation romanesquedu coureur sans style, en passant par le compositeur d'une partition sans musique, au génial inventeur d'objets « incongru[s], invraisemblable[s] et sans avenir » (Des éclairs, p. 140) jusqu'au grand oeuvre opératique d'une guerre immobile, figée, arrêtée sur image. En somme, son intérêt pour les mystérieux rouages de la machine romanesque ne s'est jamais démenti et me semble même être constamment resté fasciné par la « force d'inertie narrative » 3 paradoxale de son écritureparadoxale, en ce qu'elle va contre la dynamique narrative tout en restant inaltérablement efficace. Comme Ravel, Échenoz semble être le créateur malgré lui d'un « objet sans espoir […] qui stupéfie tout le monde à commencer par son auteur » (p. 79-80). Car, vaille que vaille, quels que soient le discrédit, les doutes, les interrogations ou les expérimentations dont elle a pu faire l'objet, la mécanique narrative échenozienne fonctionne. J'étudierai quelques-unes des manifestations de cette paradoxale inertie de la narration chez Échenoz, à la fois ralentie par un doute persistant et « poursuivie » malgré tout.
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