Contre Mallarmé. Est-ce encore se situer là-contre ? Ou tout contre, face à face tourné en dos à dos ? Le rapport complexe d'André du Bouchet à l'oeuvre de l'auteur du Coup de Dés se situe dans l'oscillation entre ces deux pôles. Qui se penche sur la place de Mallarmé dans l'oeuvre d'André du Bouchet ne peut qu'être frappé par l'écart entre le discours de l'auteur et la réception de son oeuvre. Le silence assourdissant d'André du Bouchet à propos du locataire de la rue de Rome est en effet loin d'avoir découragé la critique : le 21 avril 2001, le poète est présenté dans la notice nécrologique qui accompagne l'annonce de sa mort dans L'Humanité comme « le continuateur de Mallarmé 1 ». Daniel Guillaume évoque « des blancs qui ne peuvent que rappeler Mallarmé 2 ». Michel Collot, dans sa préface pour l'édition d'Ici en deux dans la collection de poche « Gallimard/Poésie » écrit : « C'est au prix de longues recherches et de multiples tâtonnements qu'André du Bouchet a inventé un dispositif typographique inédit, qui prolonge et renouvelle les tentatives de Mallarmé et de Reverdy 3 ». Du dialogue d'André du Bouchet avec ces deux figures majeures de l'horizon de sa réception, force est pourtant de constater le déséquilibre. Pourquoi cette spécificité du rapport à Mallarmé ? C'est par sa visibilité même qu'il semble avoir été frappé d'invisibilité. Il reste dès lors à traverser l'éclat aveuglant qui en interdit l'approche pour retrouver Mallarmé, le Mallarmé qu'André du Bouchet a lu avec avidité, derrière cet autre Mallarmé auquel le poète a refusé de se voir réduit.