Cet article se propose d’examiner les usages de la sensualité dans les Miracles de Nostre Dame de Gautier de Coinci. Dans une œuvre pieuse du début du xiiie siècle, le recours fréquent au lexique du corps et l’appel à un éveil des sens a en effet de quoi surprendre. L’analyse du détail de la narration, appuyée sur les considérations idéologiques du temps, permet de comprendre l’équilibre que le compositeur des miracles institue entre une tradition dualiste presque incontournable et la valorisation d’une foi incarnée, au sens plein du terme. Il apparaît ainsi que les sens, malgré une dangerosité reconnue et affirmée dans le corpus, encadrent et nourrissent l’expérience spirituelle du chrétien et, par conséquent, l’amènent au ciel ; cette tension heureusement résolue est exposée par Gautier avec d’autant plus de conviction que les Miracles sont consacrés à Notre Dame, qui, par l’Incarnation et par ses miracles, réconcilie ciel et terre, haut et bas, spiritualité et corporéité.