Le recueil de récits courts Doce cuentos peregrinos (1992) de l’écrivain colombien Gabriel García Márquez, se caractérise par la thématique récurrente du voyage, du séjour et de l’exil de personnages latino-américains en Europe. Plus qu’une « Découverte » du Vieux continent, ces personnages font l’expérience de la désillusion et du tragique. L’écrivain se permet de répondre aux commémorations des 500 ans de la « Découverte », en 1992, dans ces douze récits, par la célébration de malentendus linguistiques et culturels, de dysfonctionnements narratifs, de réécritures irrévérencieuses d’œuvres européennes : à l’histoire des vainqueurs rapportant le plus éclatant cas de sérendipité de l’Histoire, il oppose un recueil de récits qui invite le lecteur, autant « promené » qu’égaré, placé ainsi dans une sorte de « liberté surveillée », à s’étonner, à relire les récits et à se positionner sans cesse. La malice des narrateurs, dont la stratégie évolue entre prédétermination tragique et irruption du dysfonctionnement, oblige paradoxalement le lecteur à adopter une lecture complice.